La 12e édition du Digital Rights and Inclusion Forum (DRIF25), qui s’est tenue la semaine dernière à Lusaka, Zambie, n’a pas simplement rassemblé des experts et acteurs du numérique : elle a ravivé une philosophie profondément enracinée dans les valeurs africaines — Ubuntu. Ce mot d’origine bantoue, souvent traduit par « Je suis parce que nous sommes », a été placé au cœur des débats autour du futur numérique de l’Afrique.
Initié par Paradigm Initiative, ce rendez-vous important de l’espace numérique africain est l’occasion de jeter les bases de notre futur. Et si Ubuntu devenait la boussole pour orienter nos choix technologiques ? Et si, au lieu d’importer des modèles souvent déconnectés des réalités locales, l’Afrique s’appropriait son propre paradigme de développement numérique, fondé sur la solidarité, la participation et la dignité humaine ?
Ubuntu numérique : plus qu’un thème, une vision
Lors de DRIF25, le thème « Promouvoir l’Ubuntu numérique dans les approches technologiques » a résonné comme un appel à redéfinir notre rapport à la technologie. Dans un monde souvent guidé par des logiques d’exclusion, de surveillance ou de profits sans limites, Ubuntu nous propose une alternative : une technologie au service du bien commun, où personne n’est laissé pour compte.
Dans cette optique, le numérique ne doit pas être perçu uniquement comme un ensemble d’outils, mais comme un espace de cohabitation, de partage de connaissances, de construction collective. Il devient alors un moteur pour une croissance économique plus humaine et une gouvernance plus participative.
Le numérique africain en quête de souveraineté et d’équité
Aujourd’hui, de nombreux pays africains s’interrogent sur la manière de protéger les droits numériques de leurs citoyens tout en favorisant l’innovation. Les coupures d’Internet, les lois restrictives ou les intrusions dans la vie privée compromettent la promesse d’un développement centré sur l’humain. DRIF25 a mis en lumière ces enjeux, tout en proposant des pistes d’actions concrètes : renforcer les législations de protection des données, créer des espaces numériques sûrs pour les femmes et les minorités, encourager la production locale de contenu et de logiciels. Mais ces mesures ne porteront leurs fruits que si elles s’inscrivent dans une logique de co-responsabilité. L’Ubuntu numérique exige que chaque acteur — État, entreprise, société civile, citoyen — joue sa part.
L’Ubuntu comme levier de transformation continentale
Au-delà de la technologie, DRIF25 nous a rappelé une chose essentielle : c’est la manière dont nous utilisons le numérique qui détermine son impact. Une application d’intelligence artificielle peut servir à surveiller ou à éduquer ; une plateforme peut amplifier des discours haineux ou connecter des communautés isolées. L’Afrique a l’opportunité unique d’adopter une voie singulière, ancrée dans ses valeurs culturelles, pour construire un avenir numérique plus équitable. Ubuntu n’est pas une utopie nostalgique, mais une stratégie de développement centrée sur l’humain. C’est un cadre éthique qui peut guider la gouvernance des données, les politiques d’inclusion, et même l’architecture des réseaux numériques.
Ubuntu numérique est plus qu’un slogan. C’est une invitation à réconcilier technologie et humanité, à placer l’Afrique en position d’auteur — et non de spectateur — de son destin numérique. DRIF25 a été un jalon, un appel à l’action. Il appartient désormais à chacun d’entre nous de faire vivre cette vision, dans les codes que nous écrivons, les politiques que nous défendons, et les futurs que nous rêvons.
Jaly Badiane